Par Laurence Tisdall
Il m’arrive parfois, durant la séance de questions qui suit une conférence, d’entendre un commentaire négatif accusant la religion chrétienne de ne pas être compatible avec la ” vraie ” science objective. Normalement, le commentateur utilise l’affaire entre Galilée et l’église catholique pour appuyer ses dires. Il est normal que cet exemple revienne souvent si l’on considère les multiples ouvrages qui ont fait de Galilée un héros dans la supposée guerre entre la religion et la science. Galilée est non seulement représenté comme la seule voix rationnelle de l’histoire, mais aussi comme la voix de l’humanisme séculier qui essaie de mettre fin à l’idée irraisonnable de la véracité et de l’autorité de la parole de Dieu (la Bible).
Récemment, un article appelé ” L’affaire Galilée “, rédigé par Thomas Schirrmacher, Ph.D., fut publié dans le CEN Technical Journal ¹, un journal scientifique créationniste. Notons aussi que M. Schirrmacher détient quatre doctorats ! L’article en question énumère quinze (15) thèses qui défendent un point de vue de l’histoire très différent de ce qu’on nous raconte concernant ” l’affaire Galilée “. Nous examinerons quelques-unes de ses thèses pour mieux comprendre quels étaient les ” problèmes ” de Galilée avec l’église catholique. Tout d’abord, il faut mentionner que cette histoire ne commence pas avec les enseignements de Galilée mais avec ceux de Copernic. Copernic avait proposé l’idée que la Terre tournait autour du soleil, et les astronomes jésuites avaient accepté cette idée et l’enseignaient avant la naissance de Galilée ². Il est surprenant de constater que Galilée était bien respecté par l’église.
En effet, jusqu’à son procès, Galilée était bien vu par les jésuites et aussi par le cardinal Barbarini (devenu plus tard le pape Urban VIII). Barbarini a même composé une ode en faveur de Galilée et de ses enseignements. Le pape Paul V l’a accueilli et le collège jésuite romain l’a honoré au cours de grandes cérémonies. Le Prince Fedérico des Cesi lui a demandé d’accepter de devenir le sixième membre de l’Académie de Lincei. Les premiers écrits de Galilée en faveur du système copernicien, “ Lettres concernant les taches solaires “, ont été reçus avec beaucoup d’appréciation et aucune voix critique ne fut entendue. La vraie ” guerre ” contre Galilée ne venait pas de l’église mais plutôt de ses collègues et d’autres scientifiques qui avaient peur de perdre leur place et leurs privilèges si Galilée était trop bien vu. Cette ” guerre ” était à un tel point féroce que Galilée retarda son appui public des écrits de Copernic parce qu’il avait peur des représailles de ses confrères³. Il en est de même pour Copernic, qui ne publia son ouvrage ” De revolutionibus orbium coelestium ” que 38 ans après l’avoir écrit, et sur la demande spécifique du pape Clemens VII⁴. En fait, au début, ce n’était pas l’église qui causait des ennuis à Galilée mais la communauté scientifique ! Alors on pourrait se demander quelle est la véritable histoire concernant Galilée et l’Inquisition. D’après Schirrmacher, elle se résumerait comme suit : Galilée fut victime de circonstances personnelles et politiques. C’est sous le règne du pape Urban VIII que le procès popularisé de Galilée eu lieu. Bien avant ceci, en 1615, un procès infructueux avaient été intenté contre Galilée par ses confrères scientifiques, mais le Tribunal de l’Inquisition se prononça en faveur de Galilée et de ses enseignements. En fait, Galilée fut persécuté à cause de la situation politique et parce qu’il attaqua le pape et l’insulta publiquement dans l’un de ses ouvrages « Dialogo ». Le pape Urban VIII était particulièrement cruel. Un dictionnaire sur les papes dit ” le pontificat d’Urban était rempli de népotisme. Urban VIII était une figure tragique sur le trône papal “. Il fut le premier pape à faire ériger un monument en son honneur durant sa vie. Sa vanité était monumentale. Il était connu pour avoir dit qu’il ” en connaissait plus que tous les cardinaux mis ensemble “. Galilée a dit des choses pareilles de lui-même, telles que ” lui seul a découvert tout ce qu’il y avait à découvrir dans les cieux “. Les deux se considéraient des super héros et avaient une sorte d’adulation mutuelle l’un pour l’autre – un type de relation qui, normalement, a une fin amère.
Le Tribunal de l’Inquisition n’accusa pas Galilée d’avoir apporté des enseignements anti-bibliques mais d’avoir désobéi à un décret papal. Le pape avait demandé (décret papal) spécifiquement que les points de vue de Copernic soient traités comme des hypothèses et non des faits, parce que personne n’avait découvert une manière de prouver les énoncés de Copernic, ni ceux de Galilée. La réponse de Galilée fut qu’il avait les preuves mais que l’audience n’était pas assez intelligente pour les comprendre, donc il ne les présenta jamais. Galilée a quand même obtenu le droit d’imprimer son ouvrage Dialogo directement du pape. Le pape avait dit à Galilée d’y apporter des petits changements, mais Galilée (un homme d’une certaine arrogance) a trouvé une manière de contourner les désirs du pape et de mettre l’argument en faveur du système copernicien dans la bouche d’un fou, ” Simplicio “, qui posait toujours des questions sans fondement et qui, jusqu’à la fin du livre, a défendu la théorie ptolémaïque de notre système solaire (le soleil tourne autour de la terre).
Naturellement, après la publication de Dialogo, le pape lui-même a intenté le procès contre Galilée. Parmi les dix juges du procès, plusieurs essayèrent de défendre Galilée et d’arrêter le procès. Sur le jugement final, il manquait trois signatures, dont deux avaient été omises par protestation. Le seul cardinal à insister pour que le procès ait lieu fut le frère du pape.
Galilée fut aussi victime des politiques européennes très complexes de l’époque. La guerre des trente ans est un exemple des tactiques confuses du pape Urban VIII. Il a tenté de réunir les villes italiennes sous son contrôle et a combattu de l’opposition de l’intérieur de l’église catholique. Pour compliquer la situation, le pape retira son appui à l’empereur catholique allemand pour le donner à la France catholique et à la Suède protestante. De 1627 à 1630, l’Italie connut aussi la guerre de la succession Mantuan. Les deux alliés du pape, l’Espagne et la France, ont commencé à se battre l’un contre l’autre.
Le cardinal espagnol Borgia entra en conflit avec le pape parce qu’il voulait signer un traité de paix mais que le pape voulait que la guerre continue. Le pape a alors tenté d’enrayer toute opposition parmi ses cardinaux, ce qui fut malheureux pour Galilée, qui recevait son soutien de ces mêmes cardinaux. Les amis suivants ont été désastreux politiquement pour Galilée : il était un ami proche de la famille Medicis (une famille qui s’est soulevée contre le pape) et il avait des liens avec l’empereur allemand Rudolf II (par Kepler), qui était allié avec le pape au début mais qui est devenu l’ennemi du pape lorsque ce dernier a changé d’alliances.
Finalement, il faut mentionner que contrairement à ce qui est promulgué par le média, Galilée était un scientifique qui avait pour but de réconcilier la foi, la Bible et la science. Dans les dernières phrases de ” Lettres concernant les taches solaires ” et dans une lettre écrite en 1624, bien avant le procès, Galilée s’est prononcé sur son amour pour le Créateur et a indiqué que le but de son travail était de présenter la science comme une manière de percevoir la vérité de Dieu.
Bibliographie
1. Schirrmacher, T., The Galileo Affair: History or heroic hagiography, CEN Technical Journal, Vol 14(1) 2000 Acacia Ridge, Australia.
2. Koestler, A., The Sleepwalkers : A history of Man’s Changing Vision of the Universe, Hutchinson, London. 1959.
3. Prause, G., Niemand hat Kolumbus ausgelacht:Fälschungen und Legenden der Geschichte richtiggestellt, Düsseldorf, Germany.
4. Prause, G., Galileo Galilei war kein Märtyrer, Die Zeit, Nov 7, 1980.
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