Par Bert Thompson, Ph. D.
Le 24 novembre 1859, Charles Darwin publiait l’Origine des Espèces expliquant la théorie de l’évolution biologique. Naturellement, la Génétique n’était pas encore connue, car elle n’a vu le jour que 41 ans plus tard. Depuis environ 1900, les évolutionnistes ont développé le Néo-darwinisme contre le Darwinisme classique. Dans la théorie darwinienne classique, la sélection naturelle seule servait de mécanisme de l’évolution. Dans la pensée néo-darwinienne, la sélection naturelle et les mutations génétiques agissent ensemble comme mécanismes de l’évolution.
La génétique a joué un rôle de plus en plus important dans la théorie évolutionniste, particulièrement en ce qui concerne les mutations qui altèrent le code génétique dans chaque organisme. Ce code est exprimé dans une molécule biochimique, l’acide désoxyribonucléique, en sigle ADN. Les mutations sont des erreurs dans la réplication de l’ADN (Ayala, 1978, pp. 56-69). Ce sont ces erreurs qui causent le changement génétique nécessaire pour que l’évolution se produise. George Gaylord Simpson (1957, p 430) écrivait : «Les mutations sont les matières premières ultimes pour l’évolution». Vingt-six ans plus tard, rien n’a changé, c’est pourquoi Douglas J. Futuyma (1983, p 136) notait : «La manière la plus importante par laquelle la chance influence l’évolution se fait par le biais des mutations. Les mutations sont, ultimement, la source de nouvelles variations génétiques, et sans variation génétique, il ne peut y avoir de changement génétique. Les mutations sont alors nécessaires à l’évolution».
Les mutations peuvent se produire de multiples façons, et peuvent affecter des gènes individuellement ou des chromosomes entiers (Futuyma, op. cit., p. 136). En plus, les mutations peuvent être théoriquement réparties en trois catégories : (a) les mauvaises; (b) les neutres; et (c) les bonnes.
Certaines mutations produisent de profonds effets. Elles peuvent drastiquement altérer la structure de certaines protéines essentielles que l’organisme en devient sévèrement diminué et incapable de survivre. D’autres mutations peuvent causer dans la protéine des changements qui n’affectent pas du tout sa fonction. De telles mutations sont adaptative- ment neutres, c-à-d., elles ne sont ni meilleures ni pires que la forme originale du gène. Enfin, d’autres mutations sont décidément avantageuses (Futuyma, op. cit., p.136).
Ni les mauvaises mutations ni les neutres n’aident l’évolution, puisque les mauvaises mutations produisent des effets nuisibles (souvent létales) et celles qui sont neutres n’aident ni n’endommagent l’organisme. L’évolution néo-darwinienne dépend entièrement de bonnes mutations car non seulement elles altèrent le matériel génétique mais elles seraient, selon le Dr Futuyma, «décidément avantageuses». Le progrès évolutionniste dépend alors de la capacité de sélectionner les bonnes mutations qui ont pour résultat un changement génétique qui finalement produira des nouveaux organismes.
BACTÉRIES ET RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES
Quel rapport y a-t-il avec la résistance des bactéries aux antibiotiques ? Depuis plusieurs années, la communauté médicale est de plus en plus intéressée par la capacité de certaines bactéries de développer la résistance aux antibiotiques. Cet intérêt est sans aucun doute justifié. Les antibiotiques qui sont des substances habituellement produites naturellement par certains microorganismes inhibent la croissance d’autres microorganismes. Un des premiers antibiotiques découvert en 1928 était la pénicilline, substance produite par le champignon Penicillium chrysogenum. Depuis lors, plus de mille substances semblables ont été isolées. Beaucoup de gens reconnaissent l’impact considérable que les antibiotiques ont eu dans la lutte contre les organismes pathogènes (qui causent des maladies). Sans antibiotiques, le prix de la mort due à l’infection et aux maladies serait beaucoup plus élevé qu’il ne l’est. Cependant, il y a une évidence certaine aujourd’hui que nous sommes en train de perdre notre lutte contre certains microorganismes pathogènes. Parfois, les bactéries développent la résistance aux puissants antibiotiques. En conséquence, le nombre d’antibiotiques qui peuvent être utilisés contre certaines maladies est en train de diminuer rapidement. Les publications scientifiques et populaires ont traité de cette question. La couverture de Newsweek du 28 mars 1994 était intitulée, “Antibiotics: The End of Miracle Drugs?” (un article signé par Begley). Des articles dans Scientific American (Beardsley, 1994), dans Science (Travis, 1994, Davies, 1994), dans Discover (Caldwell, 1994) et dans Natural History (Smith, 1994) ont tous mis le point sur l’impact de la résistance bactérienne aux antibiotiques sur notre vie.
Le phénomène de la résistance bactérienne aux drogues a été documenté initialement autour de 1952 (Cfr. Lederberg et Lederberg, 1952). L’intérêt à ce phénomène s’est accru car très peu d’antibiotiques sont efficaces contre les microorganismes pathogènes, et les cas de mort due à des infections bactériennes ne cessent d’augmenter. L’intérêt des Scientifiques est à la fois pragmatique et académique. Dans le sens pragmatique, ceux qui travaillent dans le secteur médical (docteurs, infirmières, pharmaciens, chercheurs, etc.) sont intéressés parce que des vies sont en jeu. Dans le sens académique, cette question est d’importance pour les évolutionnistes parce qu’ils croient que les mutations responsables de la résistance bactérienne aux drogues sont, du point de vue de la population bactérienne, « bonnes », et donc offrent une importante preuve à la théorie de l’évolution. Selon eux, les bactéries se sont adaptées à la vie pour mieux lutter ultérieurement – un exemple de mutations « décidément avantageuses ». L’évolutionniste Colin Patterson de Grande-Bretagne (1978, p. 85) a fait le commentaire suivant : « Le développement des souches de bactéries résistantes aux antibiotiques, celui d’insectes résistants au DDT et d’un hôte d’autres insecticides récemment découverts, sont des changements évolutionnaires authentiques ». Mais ces mutations sont-elles suffisantes pour expliquer l’évolution à long terme, à grande échelle (macroévolution) ?
UNE EXPLICATION ALTERNATIVE
Les bactéries ne deviennent pas résistantes aux antibiotiques seulement par des mutations génétiques en situation d’expérimentation. En fait, il y a au moins trois mécanismes génétiques par lesquels la résistance peut être conférée à une bactérie. Premièrement, il existe des cas où les mutations produisent des souches de microorganismes résistantes aux antibiotiques. Deuxièmement, il y a le processus de conjugaison pendant lequel deux cellules bactériennes se joignent et échangent du matériel génétique. À l’intérieur de beaucoup de bactéries, il y a de l’ADN circulaire auto-réplicant connu sous le nom de plasmide et qui code pour des enzymes nécessaires à la survie de la bactérie. Certains de ces enzymes contribuent malheureusement à l’échec des antibiotiques et confèrent ainsi aux bactéries une résistante aux antibiotiques. Pendant la conjugaison, les plasmides responsables de la résistance aux antibiotiques d’un organisme peuvent être transférés à un autre organisme qui, par la suite, devient lui-même résistant aux mêmes antibiotiques. Troisièmement, les bactéries peuvent incorporer dans leur propre matériel génétique des brins d’ADN étranger par l’un ou l’autre de deux modes de transposition de l’ADN. Dans le mode dit Transformation, l’ADN de l’environnement (provenant peut-être de la mort d’une autre bactérie) est absorbé par la cellule bactérienne. Dans le mode dit Transduction, un brin d’ADN étranger est introduit dans la cellule par un virus. Dans le cas qui nous concerne, le résultat de ces transferts de matériel génétique est l’acquisition par l’organisme récepteur de la résistance aux antibiotiques. Commentant ces processus, Walter J. ReMine (1993, p. 404) écrivait :
« La transformation et la transduction se produisent très rarement, mais cette rareté peut être compensée par les énormes tailles de populations que les bactéries peuvent atteindre, surtout en conditions de laboratoire. Par ces trois méthodes, les bactéries peuvent acquérir de l’ADN qui dénature leur capacité de survie…Par exemple, la transposition de l’ADN peut avoir comme résultat une perméabilité réduite de la membrane cellulaire à certaines substances, occasionnant parfois une résistance accrue aux antibiotiques ».
La question ici n’est pas de savoir si les bactéries développent la résistance aux antibiotiques à travers les altérations dans leur matériel génétique. Ils le font. La question est : Oui ou non l’acquisition d’une telle résistance aide à expliquer les mécanismes de l’évolution ? Non ! Elle ne le fait pas pour les raisons suivantes :
Primo, les mutations responsables de la résistance bactérienne aux antibiotiques ne surviennent pas suite à un besoin de ces organismes. Futuyma (1983, pp. 137,138) a noté: « …les besoins adaptatifs des espèces n’augmentent pas la probabilité qu’une mutation adaptative ait lieu; les mutations ne sont pas dirigées vers les besoins adaptatifs du moment…. Les mutations ont des causes, mais le besoin des espèces de s’adapter n’est pas l’une d’elles». Qu’est-ce que cela veut dire? Simplement, les bactéries n’ont pas subi des mutations après avoir été exposées aux antibiotiques; les mutations conférant la résistance étaient présentes dans la population bactérienne avant la découverte ou l’utilisation des antibiotiques. Les expériences de Lederbergs en 1952 sur les bactéries résistantes à la streptomycine ont montré que les bactéries qui n’avaient jamais été exposées aux antibiotiques possédaient déjà les mutations responsables de la résistance. Malcolm Bowden (1991, p. 56) a observé: « Ce qui est intéressant de noter est que des cultures bactériennes provenant des corps congelés depuis 140 ans ont montré une résistance aux antibiotiques développés 100 ans plus tard. Donc, le besoin chimique spécifique pour la résistance était naturel dans les bactéries ». Ces bactéries n’ont pas muté pour devenir résistantes aux antibiotiques. En outre, les variétés non résistantes ne sont pas devenues résistantes à cause des mutations.
Secundo, les mutations préexistantes peuvent conférer la résistance aux antibiotiques, de telles mutations peuvent simultanément diminuer la viabilité d’un organisme. Par exemple, « les souches de bactéries survivantes sont habituellement moins virulentes, et ont un métabolisme réduit et donc, croissent plus lentement. Ceci est fortement une recommandation pour améliorer les espèces par compétition !» (Bowden, op. cit., p. 56). Le fait pour un organisme d’acquérir par mutation un certain trait (caractère) ne signifie pas nécessairement que l’organisme tout entier a été atteint. Par exemple, dans la maladie connue sous le nom d’anémie falciforme (causée par une mutation), les gens qui sont porteurs de cette maladie sont résistants à la malaria, ce qui, à première vue, apparaîtrait comme un excellent exemple d’une bonne mutation. Cependant, l’histoire ne s’arrête pas là. Alors que de tels gens sont résistants à la malaria, ils n’ont pas de la vigueur et ne vivent pas longtemps, c’est le prix de la résistance ! Les bactéries peuvent être résistantes à un certain antibiotique, mais cette résistance a un coût. Donc, dans le grand ordre des choses, acquérir une résistance ne mène pas nécessairement à la production de nouvelles espèces ou types d’organismes.
Tertio, sans se soucier de la manière dont les bactéries ont acquis leur résistance aux antibiotiques (c.-à-d., par mutation, conjugaison ou par transposition), elles sont encore exactement les mêmes bactéries qu’elles étaient avant et après avoir reçu ce caractère « résistant ». L’évolution n’est pas de la macroévolution verticale mais plutôt de la microévolution horizontale (par exemple, adaptation). En d’autres mots, ces bactéries «sont encore les mêmes bactéries et du même type, n’étant seulement qu’une variété qui diffère de la normale par sa résistance aux antibiotiques. Aucune nouvelle espèce n’a été produite» (Bowden, op. cit., p. 56). Dans un commentaire sur la modification ou le partage du matériel génétique, ReMine (1993, p. 404) a suggéré : « On n’a pas autorisé aux bactéries de procéder arbitrairement à des innovations majeures telle que l’utilisation de la chlorophylle ou du flagelle. Les caractéristiques majeures des microorganismes appartiennent exclusivement à des groupes bien définis comme c’est le cas dans les autres groupes d’êtres vivants».
Dans leurs tentatives de comprendre la résistance aux antibiotiques, les microbiologistes ont beaucoup étudié deux genres de bactéries – Escherichia et Salmonella. Parlant de l’Escherichia dans un contexte évolutionnaire, le renommé zoologiste français, Pierre Paul Grassé (1977, p. 87), a fait l’observation suivante :
« … les bactéries, en dépit de leur grande production de variétés intraspécifiques, démontrent une grande fidélité à leur espèce. Escherichia coli dont les mutants ont été étudiés très soigneusement en est le meilleur exemple. Le lecteur sera d’accord qu’il est pour le moins surprenant de vouloir prouver l’évolution et découvrir ses mécanismes et puis choisir comme matériel pour cette étude un organisme qui s’est pratiquement stabilisé depuis un milliard d’années».
Bien que Escherichia coli ait connu un milliard d’années de grandes mutations, il est néanmoins demeuré stable dans sa forme bien définie. Les mutations et la transposition de l’ADN ont causé des changements dans la population bactérienne, cependant, ces changements se sont produits dans des limites très étroites. Il n’y a pas eu d’évolution ni à long terme ni à grande échelle !
CONCLUSION
L’hypothèse que le développement dans les bactéries de la résistance aux antibiotiques dues aux mutations génétiques ou à la transposition de l’ADN est une preuve de l’évolution organique est fausse. La macroévolution exige un changement à travers les frontières phylogénétiques. Dans le cas des bactéries résistantes aux antibiotiques, cela ne s’est pas produit.
RÉFÉRENCES
Ayala, Francisco; 1978. – The Mechanisms of Evolution, Scientific American, 239 [3]: 56-69, September. Beardsley, Tim; 1994. – LaRonde, Scientific American, 270 [6]: 26-29, June. Begley, Sharon; 1994. – The End of Antibiotics, Newsweek, 123 [13]: 47 51, March28. Bowden, M.; 1991. – Science vs. Evolution (Bromley, Kent, England: Sovereign Publications). Caldwell, Mark; 1994. – Prokaryotes at the Gate. Discover, 15 [8]: 45-50, August. Davies, Julian; 1994. – Inactivation of Antibiotics and the Dissemination of Resistance Genes. Science, 264: 375-382, April 15. Futuyma, Douglas J.; 1983. – Science on Trial (New York: Pantheon). Grassé, Pierre-Paul; 1977.- The Evolution of Living Organisms (New York : Academic Press). Lederberg, J. and E.M. Lederberg; 1952.-.Replica Plating and Indirect Selection of Bacterial Mutants. Journal of Bacteriology, 63: 399-406. Patterson, Colin; 1978. – Evolution (Ithaca, NY: Cornell University Press). ReMine, Walter J.; 1993. – The Biotic Message (St. Paul, MN: St. Paul Science). Simpson, George Gaylord, C.S. Pittendrigh and L.H. Tiffany; 1957. – Life: An Introduction to Biology (New York: Harcourt, Brace and World). Smith, John Maynard; 1994. – Breaking the Antibiotic Bank. Natural History, 103 [6]: 39-40, June. Travis, John; 1994. – Reviving the Antibiotic Miracle? Science, 264: 360-362, April 15.
Source de l’article : http://www.apologeticspress.org/rr/reprints/bacteria.pdf
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