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Le darwinisme et l’holocauste nazi

Dernière mise à jour : 16 janv. 2023

par Jerry Bergman, Ph.D.


hitler

Les chefs nazis et les grands biologistes allemands du début du XXe siècle ont révélé dans leurs écrits que la théorie de Charles Darwin et ses publications ont eu une influence majeure sur la politique nazie. Hitler croyait que le bassin de gènes humains pouvait être amélioré par l’utilisation d’un élevage sélectif semblable à celui que les éleveurs pratiquent afin de produire des races de bétail supérieures. Dans la formulation de ses politiques raciales, le gouvernement hitlérien reposait en grande partie sur le darwinisme, en particulier sur les élaborations de Spencer et Haeckel. Il en résulte que l’une des politiques centrales de l’administration hitlérienne était le développement et l’implantation de politiques visant à protéger la «race supérieure». Ceci menait à empêcher les «races inférieures» de se mêler à celles qui étaient jugées supérieures, dans le but de réduire les risques de contamination du bassin de gènes humains ci-haut mentionné. La croyance en une «race supérieure» était fondée sur la théorie de l’inégalité de groupe à l’intérieur de chaque espèce, une présomption majeure et une exigence de la théorie darwinienne de la «survie des plus forts.» Cette philosophie a mené à la « solution finale », l’extermination d’environ six millions de Juifs et quatre millions d’autres individus issus de races jugées inférieures par les scientifiques allemands.


Introduction

L’un des nombreux facteurs ayant mené à l’holocauste nazi et à la Seconde Guerre mondiale, l’une des guerres les plus importantes, a été la notion darwinienne selon laquelle le progrès s’installe lorsqu’il y a élimination des plus faibles dans le combat pour la survie. Même s’il n’est pas simple d’évaluer les motifs confus d’Hitler et de ses partisans, des eugénismes inspirés de Darwin y ont certainement joué un rôle critique. Le darwinisme a justifié et a encouragé les visions nazies de la guerre et de la race. Si le parti nazi avait simplement accepté et agi conformément à la croyance que tous les êtres humains sont des descendants d’Adam et Ève et qu’ils sont égaux aux yeux du Dieu Créateur, comme la chose est enseignée dans l’Ancien et le Nouveau Testament, l’holocauste ne se serait jamais produit.


Effacer la doctrine judéo-chrétienne de l’origine divine des humains en la remplaçant par le darwinisme dans la théologie libérale allemande et ses écoles, a ouvertement contribué à l’acceptation générale du darwinisme social, qui a mené à la tragédie de l’holocauste.[1] La théorie de Darwin, telle que modifiée par Haeckel,[2] [3] [4] [5] [6]  Chamberlain[7] et les autres, a clairement participé à la mise à mort de plus de neuf millions d’individus dans les camps de concentration, et environ quarante millions d’autres être humains tout au long d’une guerre qui a coûté à peu près six trillions de dollars. En outre, la raison principale pour laquelle le nazisme s’est étendu jusqu’à l’holocauste est que le darwinisme social était massivement accepté par les communautés scientifiques et académiques. [1] [8] [9] [10]

Au cœur même du darwinisme réside une croyance où l’évolution agit par le biais de la survie différentielle des plus forts, ou des individus supérieurs. Ceci nécessite des différences parmi les individus d’une même espèce, qui, avec le temps, deviennent si grandes que les individus qui comportent les caractéristiques avantageuses –les plus forts- ont plus de chances de survivre. Même si les différences qui forment les races peuvent être très minimes au début, les taux de survie différentielle produisent des races distinctes lors d’un procédé appelé la spéciation, ou le développement d’une nouvelle espèce.


L’idéal égalitaire qui marque aujourd’hui l’idéologie occidentale, «tous les êtres humains ont été créés égaux,» n’a pas toujours été accepté par toutes les nations et cultures.[11] Une force majeure s’étant opposée à cette vision est le mouvement eugénique du darwinisme social, en particulier la cruelle vision de la «survie des plus forts.»[10] [12]


Comme l’a noté Ludmerer, la conception d’une qualité héréditaire raciale améliorée par l’élevage sélectif date de La République de Platon.


«[…]La pensée des eugénismes modernes n’a paru qu’au dix-neuvième siècle. L’émergence d’un intérêt pour les eugénismes pendant ce siècle a plusieurs sources. La plus importante est la théorie de l’évolution, car les idées de Francis Galton sur les eugénismes –il est l’auteur du terme «eugénisme»- étaient des rejetons logiques liés directement à la doctrine scientifique élaborée par son cousin, Charles Darwin.» [13]


La politique du gouvernement nazi était clairement influencée par le darwinisme, le Zeitgeist de la science et de la société cultivée de l’époque.10  Ceci peut être évalué par l’examen de documents existants, d’écrits et d’objets d’art produits par l’Allemagne nazie du vingtième siècle et ses nombreux partisans scientifiques. Keith en a conclu que le traitement réservé aux Juifs et aux autres races, alors considérées «inférieures» par les nazis, résultait en grande partie de la croyance selon laquelle le darwinisme offrait de profondes réflexions et informations, qui pourraient être utilisées pour améliorer l’humanité d’une façon significative.[14] Tenenbaum a remarqué que la philosophie politique de l’Allemagne nazie était construite sur une croyance où les éléments essentiels au progrès évolutif étaient :


«… la lutte, la sélection et la survie du plus apte, notions et observations présentées par Darwin […] mais qui fleurissaient déjà dans la philosophie sociale allemande du dix-neuvième siècle. […] Ainsi s’est développée la doctrine selon laquelle l’Allemagne avait le droit intrinsèque de régner sur le monde sur la base d’une force supérieure, […] ce qui créait une relation ‘de marteau et enclume’ entre la Reich et les nations plus faibles.»[15]

Adolf Hitler et Heinrich Himmler passent en revue les troupes SS durant les cérémonies du parti Reich à Nuremberg, Allemagne, 1938. Collection Estelle Bechoefer, Archives photographiques USHMM


L’importance de la race pour le darwinisme


La théorie de l’évolution est basée sur la notion suivante : certains individus développeront des caractéristiques uniques qui leur permettront de mieux survivre dans les conditions difficiles. Les individus supérieurs seront plus aptes à survivre et à léguer ces caractéristiques à leur descendance, et ainsi, ces particularités se propageront, alors que les individus «plus faibles» diminueront et s’éteindront progressivement. Si chaque membre d’une espèce était tout à fait égal à un autre, la sélection naturelle ne pourrait rien sélectionner, et l’évolution cesserait pour cette espèce.


Ces différences produisent graduellement des groupes nouveaux, et certains d’entre eux sont avantagés en termes de survie. Ces nouveaux groupes deviennent les «groupes supérieurs» ou encore, les races «plus évoluées.» Lorsqu’une caractéristique se répand dans toute la race, à cause de l’avantage de survie de cette race, une forme animale supérieure apparaît. Hitler et le parti nazi ont déclaré que l’un de leurs buts premiers était d’appliquer cette «science» à la société. Et «l’idée centrale du darwinisme n’était pas l’évolution, mais la sélection. L’évolution […] décrit les résultats de la sélection.»[16] Hitler a affirmé que pour produire une meilleure société, «Nous [les Nazis] devons comprendre et coopérer avec la science.»


En tant que race supérieure à toutes les autres, les Aryens croyaient que leur prédominance évolutive ne leur donnait non seulement le droit, mais le devoir de s’assujettir tous les autres peuples. La race était un point majeur dans la philosophie nazie; Tenenbaum a conclu qu’ils incorporaient le darwinisme :


«[…] dans leur système politique, sans y supprimer quoi que ce soit. […] Leur dictionnaire politique regorgeait de termes tels espace, lutte, sélection et extinction (Ausmerzen). Leur raisonnement était exprimé d’une manière très claire : le monde est une jungle dans laquelle les différentes nations luttent pour l’espace. La plus forte gagne, les plus faibles meurent ou sont éliminés.»[17]


Lors du rassemblement du parti Nuremberg en 1933, Hitler a proclamé qu’ «une race supérieure s’asservit une race inférieure […] un droit que l’on observe dans la nature et qui peut être considéré comme le seul droit concevable» car il était fondé sur la science.[15]


Hitler croyait que les humains étaient des animaux pour lesquels les lois de la génétique observées dans l’élevage du bétail pouvaient être appliquées. Les Nazis croyaient qu’au lieu de permettre aux forces naturelles et au hasard de contrôler l’évolution, ils devaient diriger le processus afin de permettre à la race humaine de se perfectionner. La première étape était d’isoler les «races inférieures,» afin de les empêcher de contaminer le bassin de gènes aryens. Le support général du public pour cette politique était un résultat de la croyance, fréquente dans les classes éduquées, que certaines races étaient génétiquement inférieures, comme le «prouvait» la science du darwinisme. Les Nazis croyaient qu’ils appliquaient simplement des faits prouvés par la science afin de produire une race d’hommes supérieurs, une partie de leur plan visant à produire un monde meilleur : «L’affaire de la constitution d’état était les eugénismes, ou la sélection artificielle- la politique était en fait de la biologie appliquée.»[18] [19]


Dès 1925, Hitler a esquissé une conclusion à sa démarche dans le quatrième chapitre de Mein Kampf : il y disait que le darwinisme était la seule base solide pour une Allemagne prospère. Le titre de l’ouvrage lui-même, Mein Kampf- Mon combat en français- fait directement référence au principe de la lutte pour la survie. Comme Clark l’a écrit, Adolf Hitler :


«[…] était captivé par l’enseignement évolutionniste- probablement depuis l’enfance. Les idées évolutionnistes, nullement dissimulées, se tiennent à la base de tout ce qu’il y a de pire dans Mein Kampf et dans les discours publics d’Hitler. […] Hitler déclarait […] qu’une race supérieure en conquiert toujours une inférieure.» [20]


Et Hickman ajoute qu’il n’y a aucune coïncidence dans le fait qu’Hitler :


«[…] était un fervent croyant et prédicateur de l’évolution. Malgré les profondes complexités de sa psychose, il est certain que [le concept de la lutte était important car] son ouvrage Mein Kampf, présente un grand nombre d’idées évolutionnistes, en particulier celles qui renforcent les notions de lutte, survie du plus apte et extermination des faibles en vue de produire une société meilleure.» [21]


En outre, la croyance selon laquelle l’évolution peut être contrôlée par les scientifiques afin de produire une «race supérieure,» était le leitmotiv central du nazisme. Plusieurs autres sources ont inspiré


«[…] l’idéologie nazie.  Mais l’engrenage d’idées et de cauchemars qui formait […] les politiques sociales de l’état nazi, et jusqu’à un certain point, ses politiques militaires et diplomatiques, peuvent être clairement comprises à la lumière de son vaste programme racial.»[22]


La vision nazie concernant l’évolution darwinienne et la race était conséquemment une part majeure de la combinaison fatale d’idées et d’événements qui ont produit l’holocauste et la Seconde Guerre mondiale :


«L’un des piliers de la théorie et de la doctrine nazie était […] la théorie de l’évolution [et] …la notion selon laquelle toute biologie a évolué en s’améliorant, que […] les types moins évolués […] doivent être activement éradiqués [et] …que la sélection naturelle peut et devrait être aidée d’une manière active; ainsi, ils [les Nazis] ont institué des mesures politiques afin d’éliminer […] les Juifs et […] les Noirs, qu’ils considéraient comme ‘sous-développés.’» [23]


Des termes tels «race supérieure,» «types humains inférieurs,» «pollution de la race,» et le mot évolution lui-même, (Entwicklung) étaient souvent utilisés par Hitler et les chefs nazis. Ses opinions sur la race n’étaient pas issues d’études scientifiques douteuses comme on l’entend souvent, mais venaient plutôt


«[…] d’un darwinisme social allemand pur, d’un type fort reconnu et accepté à travers toute l’Allemagne et qui, de plus, était considéré comme scientifiquement véridique par la plupart des Allemands, y compris les scientifiques. Des études plus récentes sur Hitler et le socialisme national démontrent que [leur application de la théorie de Darwin] était la caractéristique spécifique du nazisme. La «bio-politique» socio-nationale  [était] basée sur une croyance ‘mystico-biologique’ dans l’inégalité raciale, un monisme, un nihilisme moral anti-transcendant basé sur une lutte éternelle pour l’existence et la survie du plus apte en tant que loi de la nature, et l’utilisation conséquente du pouvoir de l’état pour une puissance publique de la sélection naturelle…»[24]


La philosophie selon laquelle les humains peuvent contrôler et même utiliser le darwinisme pour produire des êtres humains «supérieurs,» est mentionnée à répétition dans les écrits et les discours des chefs nazis.[25] Atteindre le but darwinien pour le monde exigeait une élimination impitoyable des moins forts à travers une attitude carrément barbare :


«Le programme de base du darwinisme social allemand [était] que l’homme n’était qu’un morceau de la nature n’ayant aucune qualité transcendante particulière ou une humanité spéciale. D’un autre côté, les Allemands étaient membres d’une communauté biologiquement supérieure […] la politique n’était qu’une application directe des lois de la biologie. Haeckel et ses compatriotes du darwinisme social ont amené les idées qui deviendraient les hypothèses centrales du socialisme national. […] L’affaire de la corporation de l’état était les eugénismes ou la sélection artificielle.» [18]


Hitler a même déjà déclaré que nous, les Nazis, «sont des barbares ! Nous désirons être barbares. C’est un titre honorable [car par lui,] nous revigorerons le monde»[26] Hitler, en tant qu’évolutionniste, «cherchait consciemment à rendre la politique allemande conforme à la théorie de l’évolution» [27] Keith ajoute que :


«Si la guerre est l’un des rejetons de l’évolution –et je suis convaincu qu’elle l’est- alors l’évolution est «devenue folle,» atteignant un tel niveau de férocité qu’elle frustre son propre rôle dans le monde de la vie –ce qui est l’avancement de ses «troupes» en compétition, les tribus, les nations ou les races de l’humanité. Il n’y a qu’une façon de se débarrasser de la guerre, et c’est de débarrasser l’humanité des sanctions imposées par la loi de l’évolution. L’homme peut-il […] mener la loi de l’évolution à un niveau nul ou vide ? […] J’ai découvert qu’il n’existe aucune voie qui soit possible et praticable à la fois. ‘On ne peut pas s’échapper de la nature humaine.’ Parce que l’Allemagne a bu le vin de l’évolution jusqu’à sa dernière goutte, et que dans sa débauche évolutionniste elle a plongé l’Europe dans un bain de sang, cela ne prouve pas que la loi de l’évolution soit mauvaise. Une loi qui a mené l’homme en dehors de la jungle et en a fait le roi des bêtes ne peut pas être entièrement mauvaise.»[28]


Les Juifs allemands et le darwinisme


L’entreprise eugénique allemande était moins antisémite à ses débuts que le leadership britannique. La plupart des premiers eugénistes allemands croyaient que les Juifs allemands étaient des Aryens, et conséquemment, le mouvement eugéniste était soutenu par plusieurs professeurs et docteurs juifs en Allemagne et à l’étranger. Ce n’est que très graduellement que les Juifs ont été incorporés dans la théorie eugénique allemande et ses lois.


Les visions racistes du darwinisme se sont également infiltrées dans plusieurs sphères de la société allemande de manière fort progressive, sphères qu’elles n’avaient point affectées auparavant.[9]  La Ligue Pan allemande, dévouée à «maintenir la pureté raciale allemande» n’était pas vraiment antisémite à l’origine et permettait aux Juifs assimilés d’être membres à part entière. Plusieurs eugénistes allemands croyaient que bien que les Noirs et les Gitans étaient de race inférieure, leurs théories raciales ne se comparaient pas à celles des Juifs, car ces derniers avaient atteint un niveau de succès significatif en Allemagne. Schleunes ajoute que vers 1903, l’influence des idées sur la race a pénétré le programme de la Ligue à un tel degré qu’en 1912, la Ligue a rapidement rejeté les Juifs sur la base de «principes raciaux.»[29]


En dépit de l’importance scientifique de ces visions raciales, elles n’ont eu qu’un effet limité sur les Juifs avant les années 1930. La plupart des Juifs allemands étaient fiers d’être allemands et se considéraient Allemands en premier lieu et Juifs ensuite. Plusieurs Juifs ont modifié les visions raciales de l’élite allemande en s’y infiltrant. Leur assimilation dans la vie allemande était telle que beaucoup croyaient que l’antisémitisme ne représentait aucune menace sérieuse pour leur sécurité. La majorité des Juifs étaient aussi convaincus que l’Allemagne était pour eux un havre de paix.[30]  Beaucoup tenaient encore fermement au modèle créationniste de la Genèse et rejetaient les hypothèses et visions qui généraient du racisme, le darwinisme inclus. Ce qui s’est produit en Allemagne par après a évidemment été mal reçu par les généticiens et même les eugénistes juifs et d’autres groupes encore :


«Le mouvement eugénique a ressenti un mélange d’appréhension et d’admiration devant le progrès des eugénismes de Allemagne […] Mais les véritables détails des mesures eugéniques qui sont apparus après la montée d’Hitler au pouvoir n’étaient pas acceptés par tous. Les eugénistes désignaient les États-Unis comme un endroit où de strictes lois contrôlaient le mariage mais où il existait une forte tradition de liberté politique.»[31]


Enfants polonais emprisonnés à Auschwitz, Pologne, 1944 Archives photographiques USHMM

Les objectifs eugéniques d’Hitler


Les politiques nazies découlent moins d’une «haine» face aux Juifs ou autres peuples que de l’objectif idéaliste de préserver la race supérieure de la «pollution.» Hitler a élaboré ses visions darwiniennes en considérant le principe du plus fort tuant le plus faible, par exemple, un chat dévorant une souris. Il en a conclu que les Juifs devaient absolument être éliminés car ils entraînaient :


«…la détérioration d’autres peuples […] À la longue, la nature élimine les éléments nuisibles. L’on peut être scandalisé par cette loi de la nature qui exige que toutes choses vivantes se dévorent l’une l’autre. La mouche est happée par une libellule, qui est avalée par un oiseau, qui tombe lui-même sous les serres d’un oiseau plus grand […] Connaître les lois de la nature nous permet de lui obéir.»[32]


Hitler a ensuite dit que pour cette raison, les gouvernements devaient comprendre et appliquer les «lois de la Nature,» en particulier celle de «la survie du plus apte,» qui «a produit les races humaines dès l’origine, et qui est l’auteure de leur perfectionnement.» Le gouvernement devait donc aider à l’élimination des races inférieures ou du moins les mettre en quarantaine. Hitler a déclaré :


«S’il y a un commandement divin que je puis accepter, c’est celui-ci : ‘Tu conserveras l’espèce.’ La vie de l’individu ne doit pas être trop élevée. Si l’individu était si important aux yeux de la nature, la nature y prendrait garde et le protégerait. Des millions d’œufs qu’une mouche pond, très peu éclosent- et pourtant, la race des mouches survit.»[33]


Hitler était particulièrement déterminé à empêcher les Aryens de se reproduire avec des non-Aryens, une question qui a éventuellement mené à la «solution finale.» Une fois les races inférieures exterminées, Hitler croyait que les générations futures seraient infiniment reconnaissantes pour le perfectionnement que ces programmes avaient porté à l’humanité :


«Les Allemands étaient de race supérieure, destinés pour un futur évolutif glorieux. C’est pour cette raison qu’il était essentiel que les Juifs soient ségrégués; autrement, les mariages entre races différentes se seraient produits. Si cela s’était produit, tous les efforts de la nature visant ‘à établir un pallier évolutif supérieur auraient été futiles.’ (Mein Kampf).»[20]


Non seulement les individus sont-ils beaucoup moins importants que la race, les Nazis ont même conclu que certaines races n’étaient pas humaines, mais animales :


«Les Juifs, qualifiés de sous-humains, n’étaient plus des êtres. Il était juste et légal de les exterminer selon le point de vue collectiviste et évolutionniste. Ils n’étaient pas vus  […] comme des personnes dans la vision du gouvernement allemand.»[34]


Il en résulte que le mouvement darwiniste était «l’une des forces les plus puissantes dans l’histoire intellectuelle allemande du dix-neuvième et vingtième siècle [et] peut être entièrement perçue comme un prélude à la doctrine du socialisme national [le Nazisme].»[35] Pourquoi l’évolution a-t-elle eu des effets plus rapides en Allemagne et s’est-elle enracinée plus profondément que nulle part ailleurs dans le monde ?


L’évolution utilisée pour justifier le racisme allemand déjà existant


Schleunes a noté de façon poignante que la raison pour laquelle la publication de l’œuvre de Darwin en 1859 a eu un impact immédiat en Allemagne et dans sa politique juive était que :


«La notion de lutte pour la survie […] légitimée par les visions scientifiques les plus récentes, justifiait les conceptions racistes de nations et peuples supérieurs ou inférieurs, et validait le conflit entre eux.»[36]


La révolution darwinienne et les œuvres de ses grands orateurs allemands et son scientifique le plus éminent, le professeur Haeckel, ont donné aux racistes quelque chose qu’ils croyaient être une puissante vérification de leurs visions raciales.[37] Le soutient de l’élite scientifique a permis à la pensée raciste de circuler avec beaucoup plus de vigueur qu’autrement, et a mené à l’immense satisfaction suivante : «Les préjugés étaient simplement des expressions de vérité scientifique.»[36]


Et les racistes pouvaient-ils trouver plus grande autorité pour soutenir leurs visions que la science elle-même ? Konrad Lorenz, l’un des scientifiques étudiant le comportement animal le plus réputé de l’époque, et souvent perçu comme le fondateur de son champ d’étude, a déclaré que :


«Tout comme pour le cancer, où le meilleur traitement consiste à éliminer la croissance parasite le plus rapidement possible, la défense eugénique contre les effets sociaux dysgéniques des sous-populations affectées est d’une nécessité limitée à des mesures tout aussi drastiques […] Lorsque ces éléments inférieurs ne sont pas efficacement éliminés d’une population [saine], alors –tout comme les cellules d’une tumeur maligne se répandent et prolifèrent à travers tout le corps humain- ils détruisent le corps hôte comme ils se détruisent eux-mêmes.» [38]


Les œuvres de Lorenz ont joué un rôle important dans le développement du programme nazi visant à éradiquer la «croissance parasite» des races inférieures. Les programmes gouvernementaux  visant à assurer que le «Volk allemand» conserve sa supériorité, rendaient le racisme presque intouchable. Même si King a déclaré que «l’holocauste prétendait avoir une base génétique scientifique»[39] la position du gouvernement et de l’élite universitaire de l’époque était si engagée que peu de scientifiques la remettaient sérieusement en question. Les attitudes antisémites du peuple allemand ne pouvaient prendre qu’une partie du blâme pour l’holocauste –tout n’a déboulé que lorsque le darwinisme a été ajouté à l’équation fatale des attitudes préexistantes.


Corps de prisonniers alignés dans une fosse commune Collection Marvin Springer, Archives photographiques USHMM

Les eugénismes atteignent des extrêmes


La première étape du programme eugénique était de déterminer quels groupes étaient supérieurs génétiquement; un jugement largement influencé par la culture. Les caractéristiques idéales étaient :


«… un type humain dont l’apparence avait été ainsi décrite par le théoricien racial Hans F.K. Günther : ‘blond, grand, au crâne allongé avec un visage étroit, un menton prononcé, un nez étroit à l’arête élevée, des cheveux soyeux, des yeux largement espacés et de couleur pâle, une peau de couleur rose blanchâtre.’» [40]


Bien que des observations superficielles permettent à la plupart des gens de faire une classification générale des races, les Nazis ont rapidement découvert qu’une exploration profonde rend l’identification raciale moins facile à déterminer. La plupart des groupes qu’ils tenaient pour inférieurs, tels les Slovaques, les Juifs, les Gitans et autres, se distinguaient difficilement de la race aryenne pure. Dans le processus de regroupement des individus selon leur race afin de sélectionner les «meilleurs,» les Nazis ont mesuré une grande variété de caractéristiques physiques dont la taille du cerveau. Les Nazis se fiaient surtout à l’œuvre d’Hans F.K. Günther, professeur de «science raciale» à l’Université de Jena. Bien que les «relations personnelles [de Günther] avec le parti étaient orageuses à certaines périodes, ses idées raciales étaient acceptées.» Ces idées étaient fortement soutenues par le gouvernement allemand et constituaient une importance influence dans la politique allemande.[41] Günther a reconnu que «bien qu’une race ne soit pas nécessairement pure, ses membres partagent certaines caractéristiques dominantes,» pavant ainsi la voie au stéréotype.[41]


Günther a conclu que tous les Aryens partagent un type nordique idéal qui crée un contraste avec les Juifs, qui constituent plutôt un mélange de plusieurs races. Günther a déclaré que la lignée généalogique, les mesures anthropologiques de crânes et les évaluations de l’apparence physique étaient tous des outils utiles à la détermination de la race. Même si l’apparence physique était la chose observée, «le corps est l’enveloppe de l’âme» et «l’âme est primaire.»[42] Des femmes ayant les traits raciaux supérieurs étaient sélectionnées et placées dans des foyers spéciaux où on les gardait enceintes aussi longtemps qu’elles restaient dans le programme. Néanmoins, des études tenues auprès de la descendance née de cette expérience ont démontré que le quotient intellectuel tendait à régresser vers la moyenne de la population et que celui de la progéniture était inférieur à celui des parents.


La théorie du mauvais sang


Le darwinisme n’a pas seulement influencé l’attitude nazie envers les Juifs, il l’a fait pour d’autres groupes culturels et ethniques également. Même les patients souffrant de maladies mentales ont éventuellement été inclus dans la liste des inférieurs, en partie à cause de la croyance selon laquelle l’hérédité avait une influence majeure sur les maladies mentales (peut-être avaient-ils du sang Juif ou non-aryen en eux), et devaient conséquemment être détruits. Poliakov indique que plusieurs intellectuels du début du vingtième siècle acceptaient le concept de la télégénie, où le mauvais sang «contaminerait une lignée raciale pour toujours»;  «le mauvais sang élimine le bon, tout comme le mauvais argent remplace le bon.»[43] Seule l’extermination éliminerait les lignées génétiques inférieures de manière permanente, et permettrait ainsi l’évolution d’avancer.


Darwin a même fait une longue compilation de cas où il a conclu que le mauvais sang polluait toute une lignée génétique, l’entraînant à produire une progéniture impure à tout jamais. Un grand nombre de biologistes respectés, incluant Ernst Ruedin de l’Université de Munich et plusieurs de ses collègues tels Herbert Spencer, Francis Galton et Eugène Kahn, qui a plus tard été professeur de psychiatrie à Yale, défendaient activement l’argument héréditaire. Ces scientifiques étaient aussi les plus grands architectes des lois de stérilisation obligatoire allemande établies pour empêcher les gènes défectueux ou inférieurs de contaminer le bassin de gènes aryens. Par après, lorsque les individus aux «gènes inférieurs » ont aussi été jugés comme «d’inutiles déchets,» les tueries massives ont été justifiées. Les groupes jugés inférieurs s’étendaient graduellement jusqu’à ce qu’ils englobent une grande variété de races et de groupes nationaux. Plus tard, les vieillards maladifs, les épileptiques, les gens atteints de maladies mentales légères ou sévères, les sourds-muets et même certains patients atteints de maladies mortelles ont été inclus dans la liste des «inférieurs.» [44] [1]


Les individus avant des caractéristiques mongoloïdes ou négroïdes, les Gitans, et ceux qui ne passaient pas le test de phrénologie ingénieusement conçu en fonction des opinions racistes, ont ensuite été inclus dans les groupes jugés inférieurs. L’on connaît aujourd’hui que ces tests n’avaient aucune valeur fiable.[45] Après que Jesse Owens ait gagné quatre médailles d’or aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936, Hitler a reproché aux Américains d’avoir même permis à des Noirs de s’inscrire dans la compétition.[46]


Certains évolutionnistes ont même encouragé la vision selon laquelle les femmes étaient inférieures aux hommes sur le plan évolutif. Le docteur Robert Wartenberg, qui est devenu plus tard un grand professeur de neurologie en Californie, a tenté de prouver l’infériorité des femmes en déclarant qu’elles ne pouvaient pas survivre si elles n’étaient pas «protégées par les hommes.» Il a conclu que puisque les femmes faibles n’étaient pas éliminées aussi rapidement à cause de cette protection, un taux évolutif plus faible était observable, et pour cette même raison, la sélection naturelle agissait avec moins de puissance sur les femmes. Il y avait peu de clarté à savoir comment les «faibles» seraient sélectionnés pour l’élimination ou quels étaient les critères qui déterminaient ce que l’on considérait comme «faible.» Les femmes de l’Allemagne nazie n’avaient pas accès à plusieurs professions, et la loi exigeait d’elles qu’elles se conforment à un rôle féminin traditionnel. [47]


L’évolution et la guerre en Allemagne Nazie


Le darwinisme n’a pas seulement offert aux Allemands une interprétation significative de leur passé militaire récent, il leur a aussi fourni une justification pour des agressions futures : «Le succès militaire allemand dans les guerres bismarckiennes se glisse très bien dans les catégories darwiniennes […] de la lutte pour la survie, [démontrant] l’aptitude supérieur de l’Allemagne.»[48] La guerre était une force positive, non seulement parce qu’elle éliminait les races «inférieures,» mais parce qu’elle éliminait aussi les membres plus faibles des races «supérieures.» Hitler a déclaré sans gêne qu’il intentait de produire une race supérieure, mais il se fiait aussi à la pensée darwinienne pour édifier ses politiques d’extermination et de guerre.[25] L’Allemagne nazie, se basant entre autres sur cet argument, glorifiait ouvertement la guerre, car elle était un moyen efficace d’éliminer les moins forts de la race supérieure, une étape nécessaire à l’évolution de la race. Clark conclut, en citant plusieurs passages de Mein Kampf, que :


«L’attitude d’Hitler envers la Ligue des Nations et la question de guerre ou de paix était basée sur les mêmes principes. ‘Une cour mondiale […] ne serait qu’une farce […] tout le monde naturel constitue une puissante lutte entre la force et la faiblesse –une victoire éternelle du fort aux dépends du faible. Il n’y aurait que de la pourriture dans toute la nature s’il n’en était pas ainsi. Les États qui [violent] cette loi élémentaire tomberont en pourriture. […] Celui qui veut vivre devra se battre. Celui qui refuse de se battre dans ce monde où la lutte permanente est la loi de la vie n’a pas le droit d’exister.’ Penser autrement est comme ‘insulter’ la nature. ‘La détresse, la misère et la maladie seront ses répliques.’» [49]


Le prestige allemand, a assuré Hitler, résultait surtout du fait qu’ils étaient belliqueux et qu’ils avaient ainsi éliminé leurs membres inférieurs durant des siècles.[50] Bien que les Allemands n’aient pas été étrangers à la guerre, cette nouvelle justification donnait beaucoup de force à leurs politiques. La vision selon laquelle l’éradication des faibles est une source majeure d’évolution a été bien exprimée par Wiggam :


«[…] à une certaine époque, l’homme n’avait guère plus de cervelle que ses cousins anthropoïdes, les primates. Mais, en frappant, en mordant  et en se battant […] en déjouant ses ennemis et par le fait que ceux qui n’avaient pas suffisamment de force et de sens pour suivre étaient tués, le cerveau de l’homme est devenu énorme, et il s’est développé en agilité comme en sagesse, si ce n’est pas en taille […]»[51]


En d’autres mots, la guerre a un effet positif à long terme, car c’est uniquement par des conflits fatals que les hommes peuvent évoluer. Hitler a même déclaré vérité la contradiction selon laquelle la civilisation humaine telle qu’on la connaît n’existerait pas si ce n’était de guerres constantes. Et plusieurs scientifiques réputés de l’époque ont ouvertement défendu cette vision : Haeckel avait l’habitude de louanger les Spartiates, peuple de l’Antiquité qu’il considérait comme prospère et supérieur à cause de sa sélection biologique approuvée socialement. En tuant tous les enfants qui n’étaient pas «forts et parfaitement sains,»  les Spartiates étaient «constamment dans un excellent état de force et de vigueur.»[52] L’Allemagne devait, selon lui, suivre cette coutume spartiate, soit l’infanticide des maladifs et des difformes, qui constituait «un avantage autant pour les nouveau-nés détruits que pour la communauté.» L’idée selon laquelle toutes vies ont une valeur égale et qu’elles devraient être préservées n’était, après tout, qu’un «dogme traditionnel,» une vérité à peine scientifique. [18] [53]


Cependant, l’hypothèse commune où la civilisation européenne est beaucoup plus évoluée que les autres, surtout à cause de ses guerres nombreuses par rapport aux autres nations, est fausse. La guerre est en réalité typique à pratiquement tout peuple, excepté dans certaines petites îles où la nourriture est abondante, ou chez des peuples vivant dans les régions polaires.[54] Dans l’Histoire, plusieurs tribus africaines étaient continuellement en guerre, comme dans la plupart des pays de l’Asie et de l’Amérique.


Le nazisme et la religion


L’opposition face au mouvement eugénique venait principalement des Allemands chrétiens. Bien qu’Hitler ait été baptisé catholique, il n’a jamais été excommunié, et «se considérait comme un bon catholique romain» dans sa jeunesse et utilisait parfois des termes religieux. Mais il était évident qu’il avait des sentiments anti-chrétiens forts et retentissants durant l’âge adulte, tout comme la plupart des chefs du parti nazi. Mais en tant que politicien doué, il a ouvertement tenté d’exploiter l’Église.[55] Hitler a un jour révélé son attitude envers le Christianisme lorsqu’il a franchement déclaré que la religion est :


«Un mensonge organisé [qui] doit être écrasé. L’État doit demeurer le maître absolu. Quand j’étais plus jeune, je croyais qu’il était nécessaire de me préparer à [détruire la religion] […] avec de la dynamite. Depuis, j’ai réalisé qu’il y a de la place pour un peu plus de subtilité […] L’état doit prendre place dans la chaise de Saint-Pierre, officier sénile; devant lui se trouvent quelques vieilles femmes sinistres. […] les jeunes gens en santé se trouvent de notre côté […] il est impossible de tenir l’humanité dans les mensonges et les liens pour l’éternité. Ce n’était qu’entre le sixième et le huitième siècle que le christianisme était imposé à nos peuples. […] Nos peuples avaient déjà réussi à vivre une vie convenable sans cette religion. J’ai six divisions d’hommes SS qui sont absolument indifférents en matière de religion. Cela ne les empêche pas de se diriger vers la mort avec la sérénité de l’âme.»[56]


Ses croyances telles que révélées dans cette citation sont extrêmement claires : les jeunes gens, qui étaient l’espoir de l’Allemagne, étaient «absolument indifférents en matière de religion.» Comme l’a noté Keith, le parti nazi percevait le darwinisme et le christianisme comme deux pôles opposés. Milner a dit du père allemand de l’évolution, Ernst Haeckel, que dans son Histoire Naturelle de la Création, il déclarait que «l’Église, avec sa moralité de l’amour et de la charité, est une fraude dépassée, une perversion de l’ordre naturel.»[57]

L’une des raisons majeures ayant poussé Haeckel à conclure cela est que le christianisme :



«[…] ne fait aucune distinction de race ou de couleur; il cherche à faire tomber toutes les barrières raciales. Dans ce respect, la main du christianisme s’oppose à celle de la nature, car les races humaines ne constituent-elles pas la moisson que la nature s’est acharnée à produire à travers les âges ? Ne pouvons-nous pas dire alors, que le christianisme est anti-évolutif en lui-même ?» [58]


L’opposition à la religion était l’un des traits caractéristiques de la science allemande, et de la théorie politique allemande, dès ses débuts. Stein résume ainsi les propos d’Haeckel tirés d’un discours intitulé De l’évolution : la théorie de Darwin :

«[Haeckel] affirmait que Darwin voyait juste […] l’humanité avait sans aucun doute évolué du monde animal. Ainsi, et c’est ici que le pas fatal a été fait par Haeckel lors de sa première exposition majeure sur le darwinisme en Allemagne : l’existence sociale et politique de l’humanité était gouvernée par les lois de l’évolution, la sélection naturelle et la biologie, comme cela avait été clairement démontré par Darwin. Toute opposition consistait en une superstition dépassée. Et, bien entendu, c’était la religion organisée qui s’opposait et qui barrait le chemin au progrès scientifique et social.»[59]


Martin Bormann, qui a été le bras droit d’Hitler pendant plusieurs années et aussi l’un des hommes les plus puissants de l’Allemagne nazie, avait la même franchise : l’Église s’opposait à l’évolution et c’est pour cette raison qu’elle devait être condamnée; les Nazis, eux, se plaçaient du côté de la science et de l’évolution. En outre, les concepts nazis et chrétiens étaient incompatibles, puisque le christianisme est fondé :


«[…] sur l’ignorance de l’homme, et tente de garder une grande partie du peuple dans l’ignorance. […] Le socialisme national a, pour sa part, des bases scientifiques. Les principes immuables du christianisme, qui ont été introduits il y a presque deux mille ans, n’ont cessé de s’endurcir et sont devenus des dogmes étrangers à la vie. Le socialisme national, s’il désire poursuivre sa tâche, doit toujours se guider en se conformant aux nouvelles recherches scientifiques.»[60]


Bormann a aussi clamé que les églises chrétiennes savaient depuis longtemps que :

«[…] les découvertes scientifiques menacent leur existence. Ainsi, par les pseudo-sciences telles la théologie, ils tentent désespérément de supprimer ou falsifier les recherches scientifiques. La vision de notre monde social-national se tient sur un niveau beaucoup plus élevé que celui des concepts chrétiens, dont l’essentiel a été tiré du judaïsme. C’est également pour cette raison que nous pouvons nous passer du  Christianisme.» [60]


Comme l’indique Humber, Hitler croyait que les Noirs étaient des «monstruosités qui se situent entre l’homme et le singe» et c’est pour cela qu’il s’opposait aux chrétiens allemands qui :

«[…] partent pour ‘l’Afrique centrale’ afin de fonder des ‘missions de nègres,’ ce qui transforme des ‘être humains sains en une couvée corrompue de bâtards.’ Dans son chapitre intitulé ‘La nation et la race,’ il a dit : ‘Les plus forts doivent dominer et non se mêler aux plus faibles, car ils sacrifient ainsi leur propre grandeur. Seul le rejeton faible verra ici une quelconque cruauté, mais il n’est après tout qu’un homme chétif et limité; car si cette loi ne l’emportait pas, tout développement supérieur concevable (Hoherentwicklung) d’êtres vivants organiques serait impensable.’ Dans les pages suivantes, il dit : ‘Laissez combattre ceux qui veulent vivre; ceux qui refusent de se battre dans ce monde de lutte éternelle ne méritent pas de vivre.’» [61]


Un critique littéraire a démontré que le racisme allemand aurait eu du fil à retordre si la position historique de la Création, dépourvue de théories condamnant les «races maudites,» avait été unanimement acceptée. L’une de ces théories bibliques était la pensée selon laquelle la Genèse enseigne que deux «types humains» ont été créés à l’origine; Adam et Ève la lignée raciale supérieure, et les «bêtes de la terre,» la lignée raciale inférieure noire.[62] [63] Peu de gens acceptaient cette idée, cependant.


Peu d’études scientifiques traitant directement du darwinisme et du nazisme existent –et plusieurs évolutionnistes évitent le sujet, car l’évolution est incontestablement sélective. L’une des meilleures études sur le darwinisme et le nazisme indique que les Nazis avaient une foi ferme dans leurs programmes d’extermination par le fait qu’ils étaient fondés sur la science évolutionniste.[64]  Récemment, un grand nombre d’articles populaires ont couvert ce sujet dans une attitude étonnamment honnête et candide.[65] La source du nazisme est le darwinisme, et nous devons d’abord comprendre l’histoire afin d’empêcher ces événements de se reproduire. Pour reprendre les propos d’Hitler, ceux qui ignorent les leçons de l’histoire sont condamnés à les répéter.[66] Il faut cependant admettre que certains individus qui n’acceptaient pas l’évolution épousaient des idées non-évolutionnistes qui s’accommodaient avec le racisme. Néanmoins, ces individus étaient rares et les théories développées semblent surtout répondre à des idées préconçues ou justifier des systèmes sociaux existants.


D’anciens prisonniers du «petit camp» de Buchenwald sont alignés dans leurs couches de bois où ils dormaient trois par «lit.»

Le nazisme : l’évolution appliquée


Dans la perspective moderne, plusieurs individus ont conclu que la Seconde Guerre mondiale et ses horreurs résultaient de l’idéologie d’un homme dément et cruel et de son administration tout aussi cruelle. Cependant, Hitler ne se percevait pas comme cruel, mais comme le bienfaiteur de l’humanité. Il croyait que dans les années à venir, le monde lui serait extrêmement reconnaissant pour avoir mis sur pied ces programmes, qui élevaient la race humaine à un niveau génétique évolutif supérieur, et qui mettaient fin à la pollution de la race en empêchant les mariages avec les races inférieures.


«Hitler a été influencé avant tout par les théories du darwinisme social du dix-neuvième siècle, dont la conception de l’homme en tant que matière biologique était dirigé par ses impulsions envers une société organisée. Il était convaincu que la race se désintégrait et se détériorait à cause de mauvais mariages résultant d’une promiscuité teintée de libéralité qui souillait le sang de la nation. Et ceci a mené à l’établissement d’un catalogue de mesures curatives ‘positives’ : l’hygiène raciale, un choix eugénique de partenaire, l’élevage d’êtres humains par des méthodes de sélection d’une part et d’extirpation de l’autre.»[67]


Les efforts d’Hitler pour mettre les membres de ces races inférieures dans des camps de concentration tenaient moins du désir de punir que du désir de protéger la communauté saine, comme il est d’usage de mettre les gens malades en quarantaine. Selon Haas, les Nazis croyaient que «tuer les Juifs et les autres était en fait une manière scientifique et rationnelle de servir un bien objectif plus élevé.»[68] Rudolf Hoess, le commandant d’Auschwitz ajoute : «un tel combat, légitimé par les dernières découvertes scientifiques, justifie les conceptions racistes de nations et de peuples inférieurs ou supérieurs, et valide le conflit qui existe entre eux.»[69] Pourtant, beaucoup d’individus vivant en Allemagne ont reconnu le mal qu’entraînait le darwinisme, et Nordenskiöld, le Ministre prussien de l’Éducation, a banni son enseignement autour de 1875 :


«[…] Le Ministre prussien de l’Éducation a fait passer une circulaire qui défend strictement les instituteurs du pays d’avoir quoi que ce soit à voir avec le darwinisme. […] dans le but de protéger les écoliers des dangers des nouvelles doctrines.»[70]

Une question intéressante se pose : l’holocauste nazi se serait-il produit si cette interdiction avait encore été en vigueur à l’époque ? Haeckel était au centre de cette lutte, et a obtenu beaucoup de soutient de la part


«[…] des libre-penseurs, et l’on peut facilement comprendre la hâte avec laquelle les amis de la liberté de pensée et d’expression se sont réunis pour l’appuyer en dépit de ses nombreuses erreurs, quand des réglementations scolaires telles que celles ci-haut mentionnées étaient adoptées […] Et de plus, le résultat en est venu à prouver la justification d’Haeckel; le darwinisme pouvait être barré dans les écoles, mais l’idée de l’évolution pénétrait partout. […] Et Haeckel a davantage contribué à ce résultat que quiconque; tout ce qui avait de valeureux dans ses discours est devenu permanent, alors que ses égarements ont été oubliés, comme ils le méritent.»[70]


Si un biologiste de notre époque était l’auteur de ces propos, il aurait sûrement évité le «comme ils le méritent,» car Haeckel est aujourd’hui reconnu en tant que fraudeur sans scrupules n’ayant rien à voir avec les horribles événements des années 1930 et 1940.

L’influence bien documentée du darwinisme sur l’holocauste a été grandement voilée par les médias. Les écrivains contemporains polissent, négligent ou déforment totalement la forte connexion qui existe entre le darwinisme et la théorie raciale nazie et les politiques qu’elle a produites. Mais comme Stein l’admet :


«L’on doute peu du fait que l’histoire de l’ethnocentrisme, du racisme, du nationalisme et de la xénophobie est également l’histoire de l’utilisation de la science et de l’action des scientifiques en vue d’appuyer ces idées et ces mouvements sociaux. Dans plusieurs cas, il est clair que la science a été utilisée comme matériel brut ou évidence par des acteurs politiques idéologiquement intéressés qui cherchaient des preuves pour soutenir leurs notions préconçues. La plupart des socio-biologistes contemporains et des étudiants en biopolitique affirmeraient que toute tentative visant à utiliser la science dans ce but tient en fait de la pure pseudoscience.»[71]


Il ajoute qu’il y a peu de doute à l’effet que cette attitude d’autoprotection est basée sur

«[…]une lecture volontairement tordue de l’histoire. L’histoire de l’ethnocentrisme et des courants semblables a aussi été l’histoire de plusieurs scientifiques respectés d’une certaine époque qui s’activaient à utiliser leur propre autorité afin d’avancer et soutenir des doctrines politiques ou sociales xénophobes et racistes au nom de la science. Ainsi, si les scientifiques de l’époque utilisaient la science de l’époque afin de faire avancer le racisme, il ne s’agit que d’une forme d’amnésie kuhnienne ou d’un blanchissement historique afin d’éliminer toute inquiétude concernant l’abus contemporain de la science par l’idée selon laquelle les abus du passé n’étaient que de la pseudoscience.»[71]


Darwin ne vivait pas seulement sa culture, comme on l’entend souvent. Selon Hull, «on nous a répété et répété que la raison pour laquelle la théorie de Darwin était si […] sexiste et raciste est que la société de Darwin était empreinte des mêmes caractéristiques.» Hull répond à cela en indiquant que Darwin «n’était pas si jeunot; il ne faisait pas que lire les caractéristiques de sa société dans la nature.»[72]


Le nazisme est souvent cité comme un exemple des dangers du zèle religieux, et très rarement comme le rôle-clé des eugénismes de Francis Galton, basés sur la théorie de la sélection naturelle épousée par son cousin Charles Darwin. Les eugénismes sont encore  en vie aujourd’hui. En 1955, W. Rowan, un professeur de zoologie canadien, a noté que «le fait probablement le plus significatif est qu’il [Darwin] a finalement libéré l’humanité d’une grande mesure de proscription ecclésiastique et qu’il a offert à ses contemporains une liberté de pensée qui avait été inconnue pendant des siècles.»[73]  Il affirme ensuite que de réduire l’influence des églises dans la société a permis de découvrir non seulement les moyens de l’évolution, mais de connaître que l’homme a les moyens, et qu’il peut soit diriger l’évolution, soit la laisser agir d’elle-même, ou pire encore, l’arrêter en contraignant les forces qui l’animent, causant ainsi la dévolution.


Dans ses écrits, Rowan déclare qu’il est tragique de voir que l’homme a choisi la dernière option. «La sélection est plus vitale au progrès humain que jamais. Le grand principe darwinien demeure […].» Il ajoute ensuite : «Quand l’homme a acquis l’intellect, il s’est dirigé vers un sentier tout nouveau et sans précédent dans le monde animal, le cours duquel dépend maintenant non de nouveaux changements physiques, mais de changements intellectuels et d’une sélection tout aussi intellectuelle.»[74] Malheureusement, conclut-il, les humains «sauvent» les individus intellectuellement inférieurs et passent à côté du but, qui est d’ordonner leurs rapports selon les lois de la biologie.[74]  Cette discussion, bien qu’adroite, est claire : ceux qui sont jugés moins forts par les évolutionnistes doivent être éliminés, ou les efforts visant à les sauver doivent être du moins limités; nous devrions laisser la nature faire son travail. Refuser de le faire mènera à la condamnation éventuelle de la race humaine.


Conclusion


Avec la ferme conviction que l’évolution darwinienne était vraie, Hitler s’est perçu comme le sauveur moderne de l’humanité. La société, pressentait-il, le verrait un jour comme un grand «socialiste scientifique,» le bienfaiteur de toute la race humaine. En générant une race supérieure, le monde le percevrait comme l’homme qui a mené l’humanité à un niveau élevé de développement évolutif. Si le darwinisme est une vérité, alors Hitler était notre sauveur, et nous l’avons crucifié. Comme résultat, la race humaine souffrira atrocement. Si le darwinisme n’est pas une vérité, ce qu’Hitler a tenté de faire doit être classé parmi les crimes les plus abominables de l’Histoire, et Darwin doit être perçu comme le père de l’une des philosophies les plus destructrices de l’Histoire.


Un passage tiré des écrits de Youngson affirme que l’application du darwinisme à la société, qui a porté le nom d’eugénismes, a produit l’une des bévues scientifiques les plus tragiques de tous les temps :


«La culmination du côté sombre des eugénismes a été, bien entendu, la tentative d’Adolf Hitler de produire une «race maîtresse» en encourageant la reproduction «d’Aryens» purs et en tuant six millions de personnes qu’il voyait comme génétiquement inférieures. Il ne serait pas juste de voir Galton le tenir entièrement responsable de l’holocauste ou même de son manquement à anticiper les conséquences de sa plaidoirie dans l’affaire. Mais il était certainement l’architecte principal des eugénismes, et Hitler était certainement obsédé par l’idée. Alors, en termes de conséquences, ceci doit être qualifié comme l’une des plus grandes bévues scientifiques de tous les temps.»[75]


Remerciements

Je souhaite remercier le docteur Wayne Frair, docteur John Woodmorappe et ul Humber pour avoir regardé et commenté l’ébauche de cet article.

Traduit par Ketsia Lessard

© 1999 Answer in Genesis.  First published in Creation Ex Nihilo Technical Journal 13(2):101-111, 1999  All Rights Reserved. (http://www.trueorigin.org/holocaust.asp)


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